En Aparté avec … Clément, gendarme et gay

En Aparté avec … Clément, gendarme et gay

dimanche 03 mars 2019

Est-il possible, en 2018, de vivre son homosexualité quand on est policier ou gendarme? Si la question de la vie privée ne regarde que les personnes concernées, être gay quand on incarne au quotidien une autorité publique renvoie dans l’imaginaire collectif l’image d’une supposée virilité. Rencontre.

«Ce n’est pas l’institution qui est homophobe mais plutôt certains personnels». Jean et gilet à capuche, dans le civil, Clément* est habillé comme n’importe quel quadragénaire. Dans la vie professionnelle, il porte un polo bleu ciel ou à certaines occasions une chemise blanche à manches longues avec une cravate noire et un pantalon bleu nuit. Sur sa poitrine, il arbore plusieurs décorations militaires dont la médaille de la Défense nationale, échelon or. Gendarme depuis les années 1990, l’officier a trois barres blanches sur ses épaulettes. Le capitaine n’a jamais été victime d’homophobie de la part de ses camarades et pour cause, il n’a pas encore fait son «coming-out» au travail. Néanmoins il a été témoin de blagues, du «style on est pas des tafiolles». De l’«homophobie ordinaire» qui n’«entraîne pas de violences [physiques] mais qui peut faire mal intérieurement». «Un peu comme ce qui se passe dans les établissements scolaires mais il faut l’admettre que ce n’est pas quotidien», tempère le capitaine. Depuis 2014, la gendarmerie s’est dotée d’une plateforme interne pour signaler des actes, entre autres, d’homophobies. Avec Stop discri, tout personnel peut contacter l’inspection générale de la gendarmerie nationale en toute quiétude sans que la hiérarchie directe ne vienne interférer un témoignage. En 2016, il y a eu «151 saisines» relate le site Internet «Gendinfo», le média institutionnel édité par le Sirpa-gendarmerie.

// Pour aller plus loin: Les chiffres de l’homophobie en France, début 2018

Il l’assure, dans la gendarmerie «les gays sont assez bien acceptés». Toujours selon Clément, c’est même «plus facile pour une femme, (…) il y a une sorte de bienveillance tacite» qui fait que cela «n’entache pas sa virilité». Autre facteur qui «peut jouer» sur les relations au travail, celui du rapport hiérarchique. Si le capitaine Clément a «de bons rapports» avec ses sous-officiers, sortir demain du placard ferait «jaser» certains esprits. «Contrairement à un gradé», un simple gendarme «n’a personne sous ses ordres et ses faits et gestes ne seront pas à sujet à interprétations». «C’est bien connu dans l’inconscient, un gay ne cherche qu’à coucher… », s’exaspère le capitaine Clément. Dans une étude de l’Inserm de 2008, la plus récente, les chercheurs ont constaté que «4 % des hommes comme des femmes déclarent avoir déjà eu des pratiques sexuelles avec un partenaire du même sexe, ce qui témoigne d’une nette augmentation des déclarations féminines par rapport à l’enquête [de 1992] de l’Analyse des comportements sexuels en France (ACSF). [D]es taux [qui] augmentent chez les jeunes et les diplômés», rapporte Sylvie Chaperon, historienne et enseignante à l’Université de Toulouse Jean-Jaurès (ex-Mirail). Donc, mathématiquement, il devrait avoir des personnes LGBT dans le corps de la gendarmerie. Des généraux? «Je ne sais pas mais je pense que c’est possible. Des officiers? Oui, pour certains» qui doivent même se cacher derrière un mariage hétéro pour vivre leur sexualité. «Les officiers supérieurs actuels sont d’une génération où cela n’était pas forcément facile de s’assumer au sein de l’institution. C’est-à-dire d’une époque avant le Pacs», poursuit encore Clément.

«Je culpabilise à mort»

Il le confesse, le militaire a «une situation familiale compliquée». En réalité, il a «toujours été gay» mais un jour il a rencontré «la mère de [ses] enfants» et elle a été la «seule femme de [sa] vie où [il est] vraiment tombé amoureux». Vous chassez le naturel, il revient au galop. Clément a finalement dit à sa femme sa véritable orientation sexuelle. Un véritable choc moral dont la mère de famille «n’a pas vraiment bien pris». De fait, les parents sont séparés mais pas officiellement. Un statu quo qui perdurera jusqu’à ce que les enfant «soient tous élevés» ou que Clément trouve l’homme de sa vie. Entre les deux parents, «il n’y a plus d’amour mais beaucoup d’affection». Dans une franchise déconcertante, Clément explique que «tous les jours» il «culpabilise à mort» d’avoir «gâché la vie de la mère» de ses enfants mais aussi la sienne, même si cela reste «secondaire». Aujourd’hui, le quadra se définit comme un «célibataire géographique». «Je vis ma vie, enfin j’essaie de la vivre», conclut-il.

(*): Prénom d’emprunt.

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Article rédigé par Kevin Figuier pour Aparté

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